"AIE DU ZÈLE ET REPENS-TOI"
SENTINELLE DE LA NUIT
Seigneur, je me sens désolé pour Toi ce soir.
Comme un enfant bien à l'abri, je dors tranquille et content;
aucune souffrance, aigüe et tranchante comme l'épée, de gens torturés
et seuls sur leur lit de douleur, ne poignarde ma peau souveraine;
je n'éprouve aucune crainte angoissée de cœurs agonisants.
Aucun enfant africain abandonné, en lambeaux, ne salit mes fenêtres avec
ses mains sales, ou ne regarde à l'intérieur avec des yeux affamés
qui déplorent l'amour. Et pourtant, ils se pressent autour de Tes fenêtres
et Tu vois leurs regards!
Aucun intouchable maudit dans les rues de Bombay
ne me supplie de le laisser dormir sur ma pelouse ce soir.
Je n'entends aucun sanglot de cœur brisé et hanté par des vices obsédants.
Ni aucun hurlement glacial de suicidaire sautant dans les ténèbres, ni aucun halètement de soldat tenaillé par la douleur
sur une terre étrangère.
Je ne ressens aucune secousse d'accident sur une route ensanglantée par
la chair déchirée. Je ne peux pas même deviner la raison des larmes
de mon plus proche voisin!
Mais pendant les heures étoilées, Tu ne peux pas dormir.
Tu n'oses pas regarder de l'autre côté, détourner Ton regard.
Tu observes chaque convulsion de douleur, et comptes nos soupirs,
Tu fais tienne l'agonie désespérée du monde
pour ressentir notre tragédie universelle.
Seigneur, je me sens désolée pour Toi se soir.
Pourrais-je faire quelque chose pour aider?
Robert J. Wieland